Hypocrisie contre confiance pour les collectivités territoriales
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, j’ai été chef de file du groupe Écologiste – NUPES sur la mission Relations avec les collectivités territoriales qui comprend les dotations budgétaires de fonctionnement, d’investissement et différents fonds de soutien aux collectivités.
Avec la poursuite de l’affaiblissement de l’autonomie financière des institutions politiques locales, ces dotations gagnent malheureusement une place de plus en plus importante dans leur capacité d’agir au détriment de leur autonomie par rapport à l’Etat. Ce dernier en demande pourtant toujours plus aux collectivités mais dans le même temps contraint toujours davantage leurs ressources financières. C’est une relation d’hypocrisie vis-à-vis des collectivités territoriales alors que cette relation devrait être basée sur la confiance.
Le Gouvernement a décidé, encore une fois, d’activer le 49.3 sur le projet de loi de finances. Pour assurer néanmoins un semblant de démocratie parlementaire, Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et des ruralités, est tout de même venue en commission pour discuter de cette mission budgétaire. J’ai alors tenu à lui présenter ma lecture des relations actuelles entre Etat et collectivités.
Mon intervention sur le budget aux collectivités territoriales :
Nous poursuivons ce matin la farce démocratique qui autorise le Gouvernement à se passer de l’avis de la représentation nationale pour doter la France d’un budget.
Je pourrais aussi parler de farce pour les relations du Gouvernement avec les collectivités territoriales mais je vais plutôt dénoncer l’hypocrisie du gouvernement.
L’hypocrisie du Gouvernement qui, d’une main, demande toujours plus aux collectivités, pour financer la transition écologique et faire face aux besoins sociaux ; et qui, de l’autre main, leur retire toujours plus de marges de manœuvre financière pour répondre aux défis climatique et social en les désignant comme des mauvais élèves de la gestion budgétaire.
Le terme qui devrait pourtant être au cœur de cette relation est celui de confiance.
Une confiance dans les collectivités territoriales comme actrices majeures du bon fonctionnement de larges pans de notre vie en société : elles qui assurent des missions de service public alors que l’Etat en parallèle s’en désengage, elles qui accompagnent les personnes en détresse au-delà de leurs compétences, elles qui tentent par exemple de lutter contre la désertification médicale pendant que le Gouvernement se refuse à prendre les mesures nécessaires.
Alors oui, les collectivités doivent contribuer à la transition écologique et sociale. Et elles le font déjà.
Avoir une relation de confiance, c’est justement reconnaître l’investissement public de premier plan et la place d’institution démocratique de proximité des collectivités, non pas uniquement en exigeant un « budget vert » de leur part – même si nous ne nous opposons évidemment pas à cette mesure – ou en augmentant le « verdissement » des dotations, mais en leur offrant une véritable autonomie financière. Le contraire des réformes gouvernementales.
Avoir une relation de confiance, c’est permettre aux collectivités de se projeter sur le temps long avec une prévision sur leurs ressources financières, non pas d’offrir uniquement une bouée pour ne pas se noyer et sortir la tête de l’eau. Le contraire du refus gouvernemental de l’indexation des dotations.
Enfin, une relation de confiance ne peut passer par l’indifférence du Gouvernement – et même pire, par ses politiques d’aggravation – face à la montée de la pauvreté, aux difficultés d’accès à l’alimentation, au logement, à la santé… parce qu’il n’y a pas de porte de l’Etat à laquelle toquer, parce qu’il n’y a pas de guichet du Gouvernement auquel venir. Par contre, il y a la mairie et son équipe municipale qui, elle, ne se résout jamais à laisser une personne livrée à elle-même. Les collectivités qui n’ont plus de marge de manœuvre, d’autonomie financière mais qui font souvent face à des exigences toujours plus grandes de la part de leurs administrés. Et qui se retrouvent trop souvent en situation de concurrence pour répondre aux appels à projets dans la précipitation ou se sentant frustrés de voir le train passer sans pouvoir bénéficier de fonds qui leur seraient pourtant bien utiles.
Alors Madame la Ministre, quand le Gouvernement franchira-t-il le cap d’une réelle décentralisation, celle qui conjugue les moyens aux responsabilités des politiques publiques ? Quand le Gouvernement sortira-t-il d’une action publique locale descendante et donnera enfin du pouvoir d’agir aux collectivités et à leurs agents ?
On ne réglera pas tout avec des médicobus et des caravanes des ruralités. Ni en reprenant des expressions comme les « aménités rurales » ce qui ne font, selon moi, que cacher le manque d’ambition ou de cohérence des politiques publiques pour préserver les biens communs.